Une dépense excessive / imprudente ?

La critique principale des libéraux est le coût de cet investissement, qui serait surévalué et imprudent au regard de la situation budgétaire de la Ville. Plusieurs arguments peuvent être rétorqués.

La propriété était originellement en vente pour CHF 25 millions. La Ville a entamé des négociations sur la base d’une expertise sérieuse réalisée par la société Acanthe. La valeur estimée par cette société est de CHF 22,5 millions (CHF 9,1 millions pour la maison de maître et CHF 13,2 millions pour le terrain, selon les informations parues dans la Tribune de Genève du 4 novembre), avec un intervalle de confiance de +/- 20%, soit un intervalle de confiance classique pour des biens de prestiges, dont la valeur est souvent influencée par le coup de cœur des acheteur-euses. La négociation a permis de réduire le prix d’achat discuté à 21,5 millions et la votation donnerait une autorisation de dépense maximale au Conseil administratif, mais aucun acte n’est pour l’heure signé. Situé dans un quartier plus populaire, ce bien pourrait être moins intéressant pour un-e acheteur-euse privé-e mais prend tout son sens pour servir à la population alentours. 

Les dépenses d’investissements et de fonctionnement sont deux exercices différents. Nous voterons ici sur un investissement, soit l’acquisition d’un bien durable qui augmente la valeur du patrimoine et permet par exemple d’emprunter à bas coûts sur les marchés financiers. La jauge d’investissement annuelle de la Ville est de 180 millions de francs et reste stable. Cette dépense représente 12% de la jauge d’investissement, ce qui permettra de continuer d’autres projets, notamment la rénovation énergétique du patrimoine immobilier de la Ville. Il est vrai que l’aménagement et l’entretien du parc auront un coût, mais bien inférieurs à ceux annoncés par les opposant-es : CHF 5 à 8 millions pour la transformation du parc et CHF 120’000 par an pour l’entretien. 

Malgré les effets de manche alarmistes des opposant-es et leur acharnement à présenter le CA de gauche comme dépensier, il est important de rappeler que le Conseil administratif fait preuve de rigueur et de responsabilité tout en maintenant les prestations à la population. Cette politique a permis de réduire la dette de 12,5% durant la dernière législature 20-25, et ce malgré le Covid, l’invasion de l’Ukraine et l’inflation.

Ce sont les droites cantonales et fédérales qui péjorent systématiquement les budgets des municipalités : baisses fiscales, péréquation intercantonale possiblement reportée sur les communes, etc. Il serait irresponsable que la Ville arrête de répondre aux besoins de sa population qui souffre aujourd’hui d’importantes crises économiques et climatiques et dont les effets perdureront. Dans ce contexte, il est particulièrement insupportable d’entendre le PLR Maxime Provini déclamer dans la Tribune de Genève qu’il préférerait « qu’elle aille à un contribuable qui enrichirait la Commune avec ses impôts » alors que son parti s’acharne systématiquement à réduire la part d’impôt des contribuables fortuné-es

Enfin, les opposant-es utilisent des comparaisons fautives en mettant en regard le budget de la Ville avec celui d’un ménage. Il faut en sortir car la ville de Genève est très intégrée dans une puissance économique mondiale, composé de plus de 200’000 personnes, plus de 20’000 entreprises et brasse un budget annuel de plus d’un milliard de francs.

Quelques comparaisons d’achat de maison de maître et parc :

  • L’achat de la parcelle « Les Fours » en 2015 à Cologny (18’000 m2 de terrain soit deux fois moins qu’à Masset), avec une maison de maître de 287m2 datant de 1854, s’est monté à 62 mios pour la commune ; pas d’affectation précise décidée en amont de l’acquisition.
  • Le palais Eynard avait été acheté à la fin du 19ème avec 5’000m2 (soit sept fois moins de terrain que la Campagne Masset) pour 500’000 francs de l’époque, soit 7,5 à 15 millions de francs actuels.

Juste une villa protégée et pas adaptée aux services publics ?

Non, un parc, qui est un service à la population. La maison de maître occupe moins d’un pourcent de la surface totale de la parcelle.
Elle est classée mais cela ne l’empêchera pas d’être aménagée et d’accueillir des activités utiles à la population. A titre d’exemples, d’autres bâtiments classés ont connu d’importantes rénovations pour être réaffectés : 

  • Le Bâtiment des Forces Motrices est devenu un théâtre ;
  • Le bâtiment de l’Hôtel de Ville a vu sa salle parlementaire largement modernisée et pourvue d’un ascenseur pour garantir son accessibilité ;
  • La Gare Cornavin a connu de lourdes transformations au début des années 2010 et devait en connaître d’autres ;
  • La Villa Bartholoni accueille le musée d’histoire des sciences. 

Pour plus d’éléments de réponse sur cette question précisément, lire l’opinion de Pauline Nerfin, co-présidente de Patrimoine suisse Genève, “Maison de Zep : halte aux contre-vérités“ publiée par la Tribune de Genève le 18.12.24.

Pas une priorité ?

Les opposant-es relèvent que d’autres priorités seraient plus urgentes, comme rénover le patrimoine existant. Pour les Vert-es, rendre public un espace vert généreux est un investissement indispensable pour la santé et la qualité de vie des habitant-es de ce quartier, l’un des moins végétalisé de la ville, en développement, pour la biodiversité et pour les générations futures. L’urgence climatique impose de rester maître de son territoire, et offrir une respiration aux habitant-es d’un quartier en développement est prioritaire. C’est également une opportunité limitée dans le temps que la Ville a déjà manquée lors de précédentes ventes.

Elle ne peut être opposée à des investissements cycliques à plus long terme, comme la rénovation du patrimoine existant, qui est en cours (voir les rénovations effectuées et celles prévues par la Ville). Les opposantes le savent car elles et ils ont voté au Conseil municipal, avec nous, les rénovations suivantes :

  • Un crédit groupé de plus de CHF 56 mio pour la rénovation de 13 immeubles, voté par tous les partis en novembre 2023 (PR-1560),
  • Un peu moins de CHF 20 mio pour le crédit d’étude en vue de l’agrandissement et de la restauration du Musée d’art et d’histoire, voté par tous les partis en septembre 2023 (PR-1551),
  • Plus de CHF 28 mio pour l’assainissement et la rénovation des patinoires des Vernet, voté par tous les partis en novembre 2022 (PR-1524),
  • Plus de CHF 50 mio pour la rénovation du muséum d’histoire naturelle votée par tous les partis en juin 2021 (PR-1441).

Une dépense précipitée, sans projet ficelé ?

Pour les opposant-es, la dépense est précipitée car le vote en plénière a été accéléré et car il n’y a pas de projet abouti pour l’affectation de la maison.
C’est partiellement vrai, car nous votons ici sur une proposition du Conseil municipal qui s’est saisi d’une opportunité limitée dans le temps d’obtenir un espace vert et un lieu à co-construire. Les besoins ne manquent pas dans un secteur en cours de densification.

Le Conseil administratif et les services municipaux ne peuvent étudier et chiffrer précisément l’utilisation de cette bâtisse classée et l’aménagement du parc sans accord du Conseil municipal. Un chiffrage avant la votation équivaudrait à dépenser de l’argent sans but précis, donc à faire un travail “en l’air” avec l’argent des contribuables, ce qui est inadmissible.

Si les opposant-es n’avaient pas lancé ce referendum pour exister aux yeux de la population en pleine campagne aux municipales, elles et ils auraient permis au Conseil administratif et aux services municipaux de plancher sur un projet précisément chiffré pour l’aménagement du parc et l’affectation du bâtiment. Désormais, l’affectation précise ne pourra être discutée tant que la votation n’est pas passée.

Sur le fond, les besoins ne manquent pas pour justifier cet achat. Pour ce qui est du parc, le besoin d’espace vert est indiscutable, surtout considérant le développement du quartier alentour (PLQ Concorde notamment).

Qui regretterait l’achat par la collectivité du parc des Eaux-Vives (en 1913) ou du parc Trembley (en 1933) ?

Pour ce qui est de la maison, des projets culturels, sociaux, environnementaux et éducatifs ont été discutés. N’oublions pas que les infrastructures du quartier des Charmilles débordent déjà, et citons notamment les pavillons scolaires temporaires qui ont dû être ajoutés aux Franchises et à Vieusseux. La densification de ce quartier ne sera acceptable que si nous proposons aux habitant-es des espaces qualitatifs pour se divertir, apprendre, se reposer, respirer, s’alimenter comme dans tous les autres quartiers de notre ville. Et cette bâtisse, bien que classée, pourra sans aucun doute servir un ou plusieurs de ces buts.

Une parcelle qui ne peut devenir un parc ?

Les opposant-es estiment que le terrain est trop excentré et en pente pour devenir un parc. Elles et ils ajoutent que les vignes devront être supprimées et dépolluées, que la surface de forêt n’est pas aménageable et qu’il n’y a qu’un portail d’accès à la propriété. Marina Janssens a parfaitement répondu à ces objections dans son courrier publié par la Tribune de Genève “Campagne Masset : rétablir la vérité” :

  • “De nombreux parcs ont des pentes bien plus fortes : le domaine de Penthes à Genève ou le très prisé parc des Buttes-Chaumont à Paris.”
  • La petite partie en forêt protégée n’empêchera pas de déambuler ou de s’y reposer,
  • “La vigne plantée il y a moins de dix ans ne constitue pas non plus un obstacle puisqu’elle pourrait être en partie ou totalement supprimée. Et contrairement à ce que prétendent les référendaires, nul besoin de dépolluer !”
  • “La parcelle serait trop “excentrée” ? Un argument bien méprisant pour les habitant-e-s de la rive droite. À dix minutes à vélo de la gare Cornavin et desservi par les bus 7 et 9, ce parc fournirait un superbe accès piéton depuis l’avenue d’Aïre au sentier du Rhône, récemment rénové.”
  • “ Il existe déjà trois portails d’accès au domaine, et non un seul ! ”

Concernant l’inquiétude des opposant-es pour la création de cheminements large et accessibles, nous rappelons que de nombreux parcs genevois sont soumis aux mêmes mesures de protections et restent parfaitement accueillants et attractifs