Intervention d’Omar Azzabi, Conseiller municipal Vert en Ville de Genève, du 17 octobre 2018

Chères Conseillères Municipales, Chers Conseillers Municipaux,

En ces temps troublant de l’asile en Suisse, cette résolution tombe à pic pour nous rappeler quelques fondamentaux. Tout d’abord, oui, la Ville de Genève entretient un rôle très particulier en termes de diplomatie internationale, de droits humains et surtout de droit international humanitaire. Oui, Genève se distingue et continuera à se distinguer des autres communes de Suisse parce que non seulement elle accueille des organisations internationales mais qu’en plus, elle détient le rôle de Gardienne des Conventions de Genève si chère à notre délibératif et aux valeurs de notre Ville.

Tout comme nous l’avons fait « Pour une application digne et humaine de la politique d’asile » avec la famille Musa, tout comme nous l’avons fait pour Théo et Bastien dans le sud de la France, le positionnement et la voix internationale de notre Assemblée peuvent dans certains cas mettre en lumière des situations méritant l’attention de la communauté internationale. Et plus que l’attention, c’est un rappel des règles élémentaires de droits humains et de droit international humanitaire que nous défendons dans les 4 Conventions de Genève dont nous sommes gardiens.

Au-delà de la tradition humanitaire suisse soulignée par l’interpellation de nos conseillers nationaux à Berne, il faut rappeler que l’Organisation Internationale pour les Migrations recense près de 17’000 morts et disparus depuis 2014[1].  Rien qu’au mois de septembre dernier, 1 migrant sur 5 partants de Lybie serait mort, le Haut-Commissariat pour les Réfugiés lui affirme qu’en 2018, une personne sur 18 tentant de rejoindre l’Europe meurt[2]. Alors je me permets de poser la question, quelles seraient les chances de chacun et chacune d’entre nous si nous étions des miigrants africains ou moyen-orientaux tentant de fuir une situation de guerre ou une situation économique ?

« Il n’y aurait qu’un ou une seulE d’entre nous qui parviendrait à se sauver pour atteindre l’Europe, 7 sur 10 auraient été interceptés par les autorités libyennes pour subir le traitement inhumain dans leur centre de détention que nous connaissons et finalement 2 sur 10 auraient disparus[3]. »

Alors oui, donner un pavillon suisse à l’Aquarius c’est tout d’abord répondre à 25’000 personnes qui se sont mobilisées en deux semaines pour agir à propos de la route migratoire la plus meurtrière du monde, c’est ensuite affirmer haut et fort que quand SOS Méditerranée sauve, en 31 mois, 30’000 personnes grâce à 230 opérations, CE N’EST PAS ASSEZ.

Que la Ville décide aujourd’hui d’appuyer cette déclaration de solidarité pour les personnes migrantes ne se résume pas à une action de cœur, elle répond aussi à une exemplarité que nous exigeons de la part de la Confédération en termes de respect du droit international. Pour rappel, l’obligation de prêter assistance aux personnes en situation de détresse en mer n’est pas une œuvre de bienfaisance : c’est une obligation légale définie dans au moins 4 conventions des Nations Unies[4] ;

Convention de l’ONU de 1982 sur le droit de la mer (ratifiée en 2009 par la Suisse),

Article 98 : Obligation de prêter assistance[5]

 

1. Tout Etat exige du capitaine d’un navire battant son pavillon que, pour autant que cela lui est possible sans faire courir de risques graves au navire, à l’équipage ou aux passagers:

  •  il prête assistance à quiconque est trouvé en péril en mer;
  •  il se porte aussi vite que possible au secours des personnes en détresse s’il est informé qu’elles ont besoin d’assistance, dans la mesure où l’on peut raisonnablement s’attendre qu’il agisse de la sorte

(Le reste des Conventions internationales :

  • Convention internationale de 1974 pour la sauvegarde de la vie humaine en mer,
  • Convention internationale de 1989 sur l’assistance,
  • Celle de 1979 sur la recherche et le sauvetage maritimes,
  • Et les directives du Comité de la sécurité maritime (MSC) de l’Organisation maritime internationale (IMO) de 2006.)

La responsabilité unique de l’Aquarius, c’est le sauvetage en mer et c’est le débarquement des survivants dans un « lieu sûr », c’est-à-dire un endroit où la vie des survivants n’est plus en danger, où tous leurs besoins fondamentaux seront satisfaits : eau, alimentation, hébergement et assistance médicale. De la même manière, la responsabilité de l’Aquarius n’en serait que mieux soutenu sous pavillon suisse et ainsi, la Suisse ferait honneur à sa tradition humanitaire dans l’esprit d’un ses pairs, genevois qui plus est, un certain Henry Dunant.

L’adage dit bien que « qui ne dit mot, consent », et c’est pour toutes les raisons précédentes que non seulement la Ville de Genève ne peut consentir à une telle situation, ne peut rester observatrice d’un tel désastre et se doit d’activer tous les moyens à sa disposition afin que la Confédération s’engage à respecter ses engagements internationaux dont l’Esprit de Genève est la garantie.

Au nom du groupe des Verts, je vous invite évidemment à voter ce projet de résolution pour déclarer qu’être genevois et suisse, c’est avant tout se montrer responsable et solidaire de celles et ceux qui fuient leur pays au péril de leur vie. Et je terminerai mon intervention en citant un certain Nelson Mandela qui disait :

« L’espoir est au combattant de la liberté ce que la bouée de sauvetage est au nageur : la garantie qu’il ne se noiera pas, qu’il restera à l’abri du danger. »

 

[1] https://www.liberation.fr/checknews/2018/08/09/combien-de-migrants-sont-morts-en-mediterranee-ou-sont-ils-enterres_1671300

[2]
https://www.liberation.fr/planete/2018/10/01/en-septembre-pres-d-un-migrant-sur-5-partant-de-libye-aurait-disparu-en-mediterranee_1682447

[3] https://www.liberation.fr/planete/2018/10/01/en-septembre-pres-d-un-migrant-sur-5-partant-de-libye-aurait-disparu-en-mediterranee_1682447

[4] https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/09/28/la-france-doit-accorder-son-pavillon-a-l-aquarius_5361638_3232.html

[5] https://www.ouest-france.fr/monde/migrants/aquarius-le-droit-maritime-n-est-pas-adapte-l-afflux-des-migrants-en-mediterranee-5823431