Par Valentin Dujoux, coprésident des JVGe et conseiller municipal en Ville de Genève. Texte paru dans son blog de la TdG le 16 avril 2020. 

La crise sanitaire, sociale et économique engendrée par le coronavirus nous amène à penser la suite. Mais avant de se précipiter, il conviendrait d’assurer l’essentiel. La reprise post-coronavirus, parlons-en.

Une crise symbole de notre époque

Quel est le dénominateur commun à toute crise ? L’excès. Et aujourd’hui, cette crise, c’est justement le reflet de ce « trop ». D’un monde où la mondialisation réduit tout à une valeur marchande, où le temps est de l’argent et où l’individualisme grossit chaque jour le nombre de personnes invisibles et isolées.

En Ville de Genève, comme ailleurs, le constat est tristement visible. Esther Alder le rappelle très justement dans la Tribune de Genève du jour. Dans un monde qui allait trop vite, le superflu est devenu indispensable, et l’indispensable est devenu inaccessible pour une partie de la population.

Cette crise ne vient pas de nulle part et n’est en rien la conséquence d’un quelconque fatalisme. Non, cette crise, c’est le miroir de notre société à deux vitesses et la conséquence de notre aveuglement.

Un tournant pour faire différemment

Au-delà de ce constat, il nous faut néanmoins penser l’après, ne serait-ce que pour tenir dans cette période d’incertitudes. Et il reviendra de placer l’économie à sa place. L’économie, c’est à l’origine, la gestion de la maison et elle vise à s’assurer des besoins élémentaires. Encore faudrait-il s’en rappeler avant de tout recommencer.

Dans ce renouveau, il conviendra aussi de se souvenir de ces métiers souvent précaires et pourtant si salués. Essentiellement occupés par des femmes, beaucoup auraient voulu les voir disparaître dans la course à la robotisation et au rendement. Ces femmes et ces hommes, ne les oublions pas et donnons-leur les moyens de remplir correctement leurs missions. Car ce sont elles et eux qui portent notre société, et notre humanité, à bout de bras.

Cette crise est le miroir violent des inégalités sociales et de l’exclusion. Le semi-confinement heureux est une réalité de privilégié.e.s et il faudra nous en souvenir. Et dès maintenant, la priorité est bien d’assurer l’accès aux besoins de base à chacun.e.  

Éviter à tout prix une reprise bornée

Non, il ne nous faut pas retrouver le monde d’avant. Et pour cela, il conviendra avant tout de s’assurer que l’essentiel est accessible à chacun.e. Cet essentiel, tout le monde le connait : c’est notamment l’accès au logement, à la santé, à l’alimentation, à l’éducation et à une ressource financière. Si tout le monde le connaît, il nous faut aujourd’hui, ensemble, l’atteindre et le concrétiser. Et sans être un outil magique, le besoin d’un revenu de base inconditionnel apparaît incontournable dans ce nouveau monde à concrétiser.

Une prospérité sobre et une qualité de vie sont possibles et ces deux éléments seront à trouver dans un équilibre situé entre une base sociale garantie et les capacités de notre environnement. Ce n’est qu’à cette condition que nous pourrons avancer sereinement.

Aller trop vite pour retrouver le ‘monde d’avant’, c’est foncer à nouveau dans le mur en reproduisant la totalité des échecs qui nous ont amené à cette catastrophe. Il n’en est pas question : les souffrances endurées sont trop grandes, et les opportunités pour changer sont uniques.

La reprise post-coronavirus, oui, parlons-en. Car j’ai pleinement conscience que nos sociétés ont la mémoire courte. Et si l’on souhaite que la crise que nous vivons ne soit pas la répétition générale d’une nouvelle crise à venir, faisons-en une opportunité pour se recentrer sur l’essentiel.