Etabli en 1992 lors du Sommet de la Terre à Rio, la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) a comme objectif de stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère.  Cette stabilisation doit empêcher toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique. Et pourtant en 40 ans, les émissions annuelles de gaz à effet de serre ont augmenté globalement de 40%. Cette tendance se poursuit malgré le rythme soutenu des négociations intergouvernementales : à Glasgow, c’est la 26ème.

Deux processus expliquent ce constat d’échec. Le premier, d’ordre stratégique et opérationnel, est lié à la fabrication et à l’application de la convention. Dès 1997, les principaux états émetteurs se sont engagés à réduire leurs propres émissions. Mais, cette décision menaçait leur propre développement économique dans un contexte concurrentiel lié à l’adhésion de la Chine en 2001 aux accords de l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce) et plus généralement à l’émergence des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud). Les états les plus émetteurs ont alors négocié un accord global avec des possibilités de transfert de quotas entre état plutôt que des accords contraignants par état. Cette nouvelle approche a permis aux plus gros états émetteurs de continuer leur trajectoire de développement en compensant les pays plus faiblement émetteurs. Il s’agit soit de soutien financier, par exemple pour la conservation des forêts tropicales, soit de soutien technique, par exemple pour l’installation de panneaux photovoltaïques. En imposant cette compréhension des enjeux climatiques, ces pays ont non seulement maintenu leur domination économique mondiale, mais, surtout, ils ont imposés les solutions techno-centrées pour réguler le climat. C’est ainsi que l’on a vu l’émergence des « innovations » liées aux centrales nucléaires, à la pile hydrogène ou à la captation du carbone. Ces solutions évitent de s’attaquer aux causes fondamentales du changement climatique, au cout énergétique d’une croissance économique liée au développement des machines et au cout matière du cycle de vie des nouvelles technologies.

Le second processus est lié à la valorisation de l’approche managériale dans le domaine climatique. Chacun des près de 200 états défend son propre intérêt particulier, tout en participant à l’élaboration d’un plan global basé sur le consensus et l’inclusion de tous les états. Le processus de négociation réduit la préoccupation sociétale sur le climat à une série de discussions techniques en groupes de travail. Ces groupes abordent des sujets spécifiques dans des plans de travail orientés solution. Mieux encore, le processus valorise les capacités managériales et techniques des participants les mieux organisés tels quel les états industriels et les groupes internationaux privés. Intimement interconnectés (logiciels, ordinateurs) et maitrisant les données numériques et la grammaire managériales, ils fabriquent une identité collective autour de la gestion du climat en ligne avec leur dialectique.

Ces processus opérationnels et cognitifs aux fondements des négociations climatiques se renforcement mutuellement. Ils solubilisent la question climatique dans le contexte plus large du libéralisme mondial. Ils maintiennent les principaux pays émetteurs et les groupes internationaux privés comme les principaux bénéficiaires de ses accords pour leur capacité à offrir des innovations technologiques. Ils réduisent les pays peu émetteurs au rang de victimes à soutenir. Ils créent des frontières entre ces deux types d’acteur.

Plus fondamentalement encore, ces processus marginalisent les acteurs les plus faiblement émetteurs. Les peuples autochtones, l’immense majorité des pays du Sud, et les populations les marginalisée du Nord demandent à la fois la justice climatique (plus d’équité entre les êtres humains) et le respect de notre relation à l’environnement. S’inspirer de leur mode de vie et accepter leurs revendications constituerait pourtant une fertile voie à suivre

Mais, au lieu de considérer ces acteurs comme des modèles pour vivre en harmonie avec le climat, le processus de négociation les rejette comme des objets problématiques à sauver. Obtenir des gains tangibles sur le climat, demandera cette révolution de paradigme. Nous en sommes loin : à Glasgow, les pollueurs « malades » prodiguent les remèdes climatiques pour tous, et particulièrement les populations les plus vertueuses en termes d’émission.