Ana Barciela

Matthias Erhardt

Leyma Wisard Prado

TEXTE DE LA QUESTION

En Suisse, 42% des femmes ont déjà fait l’expérience de violence au sein de leur couple (Etude «Violence au sein du couple en Suisse», DAO, novembre 2021)

Une femme sur dix vit actuellement dans un contexte de violence conjugale.
En moyenne, une femme meurt des suites de telles violences toutes les deux semaines et demie en Suisse. Et 27 000 enfants sont concernés chaque année par la violence domestique.
L’entrée en vigueur de la Convention d’Istanbul le 1er avril 2018 a donné une nouvelle impulsion à la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la vio­lence domestique en Suisse. Elle a permis d’améliorer la protection juridique des personnes victimes de violences et a lancé la réflexion sur la manière de mieux punir le harcèlement obsessionnel et les infractions sexuelles.

Nos questions sont les suivantes:

  • quels sont les moyens mis à disposition en Ville de Genève pour accueillir les femmes et les enfants victimes de violence conjugale?
  • Combien de places sont à disposition pour accueillir ces familles?
  • Quelles solutions la Ville de Genève met-elle en place pour assurer la sécurité de ces femmes et enfants?
  • Est-ce que le Conseil administratif estime que le dispositif actuel est suffisant pour répondre à la demande et aux besoins des personnes concernées?

RÉPONSE DU CONSEIL ADMINISTRATIF

En préambule, il convient de rappeler que la thématique des violences conju­gales et intrafamiliales relève principalement d’une compétence cantonale et fait partie des missions du Bureau de promotion de l’égalité et de prévention des violences domestiques (BPEV) du Canton de Genève. Ce dernier coordonne le réseau, récolte des données, mène des campagnes de sensibilisation et organise des formations destinées aux professionnel-le-s. Il dispose également de plu­sieurs contrats de prestation, notamment avec l’association Aide aux victimes de violences en couple (AVVEC) ou encore le foyer Arabelle. L’action de la Ville de Genève en la matière est dès lors subsidiaire et s’inscrit dans une volonté de complémentarité.

Cela étant, la question de la lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants est intégrée dans plusieurs politiques municipales, notamment celles de l’enfance et de la promotion de l’égalité entre femmes et hommes. Cette théma­tique ayant plusieurs dimensions, elle nécessite des réponses spécifiques et multi­factorielles, tant au niveau de la prise en charge des victimes que de la prévention. Ainsi, le département des finances, de l’environnement et du logement (DFEL), via le Service Agenda 21 – Ville durable (A21) et son pôle «Egalité et diversité», et le département de la cohésion sociale et de la solidarité (DCSS) se mobilisent à plusieurs niveaux:

Hébergement et accompagnement des victimes de violences

Le DCSS, via l’action de l’Unité vie associative (UVA), soutient financière­ment l’association Aux 6 logis. Au cours des trois dernières années, cette aide s’est vue augmentée et pérennisée. En effet, en 2020, 200 000 francs lui ont été accordés suite à un appel à projets lancé par le DCSS et ce soutien a été augmenté à 250 000 francs en 2021 puis pérennisé en 2022, avec une subvention nominative du même montant inscrite au budget de la Ville.

Aux 6 logis propose des solutions d’hébergement temporaire (relais et urgence) à des femmes seules avec ou sans enfants. Durant leur séjour, les femmes bénéficient d’un accompagnement social sur mesure favorisant la sta­bilisation des situations et l’accès à un logement pérenne. L’association possède huit logements relais et dix places d’hébergement d’urgence. A noter toutefois qu’Aux 6 logis n’est pas une structure qui prend en charge exclusivement des femmes et des enfants victimes de violences.

Le DCSS offre aussi un soutien financier au foyer Arabelle, via le Service de la petite enfance (SDPE), à hauteur de 99 300 francs (en 2021). L’associa­tion Arabelle vient en aide aux femmes et aux enfants en proposant une prise en charge intégrée dans un lieu chaleureux.

En outre, l’Unité logement temporaire (ULT) du Service social (SOC), qui dispose de 84 logements (dont deux collectifs), intervient régulièrement dans des situations où des femmes ou des familles sont victimes de violences. Elle a également noué des partenariats et des collaborations avec des associations actives dans ce domaine comme SOS Femmes. En plus d’un toit temporaire, l’ULT propose un accompagnement social à des personnes souvent confrontées à plusieurs problématiques, telles que violences, bas revenus ou situation pro­fessionnelle précaire, dettes, problèmes de santé, difficultés familiales ou encore administratives. L’action mise en place par l’ULT a donc pour objectif de stabi­liser et d’améliorer la situation globale des personnes suivies pour leur permettre d’accéder à un logement pérenne. En 2021, une quinzaine de cas ont relevé, entre autres, de problématiques de violences.

Du côté du DFEL et du Service A21, un soutien financier de 741 800 francs est apporté à la fondation Au Cœur des Grottes, par le biais d’une subvention nominative. La fondation bénéficie également de trois gratuités à hauteur de 158 940 francs. Le Cœur des Grottes, qui répond aux urgences des femmes vic­times de violences ou de traite d’êtres humains ainsi qu’à celles de leurs enfants, accueille et accompagne au quotidien 40 femmes et 35 enfants. Parmi les priori­tés actuelles de la fondation figure le renforcement de l’offre d’hébergement ainsi que de la prise en charge et de l’accompagnement des enfants.

Le Service A21 apporte également son soutien à l’association AVVEC sous la forme d’une gratuité et d’une contribution ponctuelle à des projets spécifiques. AVVEC apporte une aide psychosociale et thérapeutique aux personnes victimes de violence conjugale et à leurs enfants et sensibilise la population et les profes­sionnel-le-s à cette problématique. Ainsi, pour la période 2021-2023, une subven­tion de 35 000 francs (5000 francs en 2021, 15 000 francs en 2022 et 2023) a été attribuée à l’association pour la phase pilote d’un projet de centre de consultation à distance. Née de la nécessité de s’adapter à la crise sanitaire, cette nouvelle prestation s’adresse à toutes les personnes qui ont besoin d’un accompagnement mais ne peuvent pas se rendre physiquement dans les locaux de l’association pour des raisons diverses.

Information, sensibilisation et prévention

La lutte contre toutes les formes de violences subies par les femmes fait par­tie des axes prioritaires de la politique de promotion de l’égalité entre femmes et hommes de la Ville. Les actions de sensibilisation et de prévention des violences sexistes et sexuelles développées par la municipalité en partenariat avec les asso­ciations locales s’inscrivent dans l’idée qu’il existe un continuum des violences, à savoir différentes formes de violences (verbales, physiques, psychologiques, sexuelles) qui se produisent dans différents espaces de la vie des femmes (l’espace public, le travail, mais aussi la sphère privée et intime). Des actions de sensibilisa­tion sont ainsi organisées de manière régulière pour thématiser ces enjeux, interro­ger les racines et les mécanismes de ces violences, mettre à disposition des outils et sensibiliser le grand public ou des publics cibles spécifiques (jeunes, personnes concernées, professionnel-le-s).

Parmi ces actions, il faut notamment mentionner:

  • des ateliers d’autodéfense féminine, proposés aux habitantes de la ville de Genève sur une base régulière, en collaboration avec les associations Viol-Secours (ateliers fem do chi) et ARAPA (ateliers Riposte);
  • des ateliers intitulés «Ne détournez pas le regard», animés par Amnesty Inter­national, à destination des témoins de violences sexistes et sexuelles, propo­sés à intervalles réguliers dans le cadre de la programmation événementielle de la Ville;
  • des tables rondes et conférences organisées chaque année, notamment autour des liens entre normes viriles et violences sexistes, dans le cadre du plan d’action «Objectif zéro sexisme dans ma ville».
  • des actions symboliques organisées autour du 25 novembre, journée interna­tionale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes.

Enfin, il convient également de mentionner que le DFEL et le DCSS réalisent un travail de veille, d’échange et de relais d’informations avec le réseau parte­naire sur cette thématique. Ainsi, en 2020, au moment du premier confinement, au cours duquel la crainte d’une augmentation des violences domestiques était très présente, la Ville a relayé les principales informations du réseau de prise en charge des violences domestiques sur ses réseaux sociaux et via les panneaux d’affichage public. Ces informations ont également été rappelées à l’interne auprès des acteurs et actrices mobilisé-e-s sur le front de la prise en charge sociale.

La lutte contre toutes les formes de violences faites aux femmes et aux enfants, en particulier dans le cadre de la sphère privée, est un chantier qui doit être mené à tous les niveaux (fédéral, cantonal, municipal), de manière coordon­née et sur le long terme. Les défis sont importants, les besoins nombreux et les ressources à disposition encore insuffisantes. Preuve en est, les statistiques qui révèlent inlassablement la difficulté de changer les représentations et les compor­tements. L’entrée en vigueur de la Convention d’Istanbul constitue une opportu­nité de renforcer les collaborations entre les différents échelons administratifs et d’ouvrir la voie à une politique globale et ambitieuse de prévention des violences faites aux femmes, qui, au vu de la répartition des compétences (justice, police, éducation, etc.), doit être impulsée et pilotée par le Canton. La Ville continuera quant à elle de s’inscrire dans la complémentarité et la subsidiarité pour pour­suivre ses actions.

Au nom du Conseil administratif
Le secrétaire général:Gionata Piero Buzzini
Le conseiller administratif:  Alfonso Gomez