Agir face à la misère !
Il fait froid ces jours-ci dans les rues de Genève ! La journée, les « grands précaires », comme on les appelle pudiquement, ces sans domicile « fixe », comme on dit pour masquer le fait qu’ils sont sans domicile « un point c’est tout », c’est-à-dire à la rue… déambulent dans les rues, effectivement, pour se réchauffer un peu. Ils entrent parfois dans une allée ou un bâtiment public, quand ils ne se font pas tout simplement expulser de lieux pourtant définis comme « publics », c’est-à-dire ouverts à chacun quels que soient sa provenance, son origine ou son statut.Cette misère est dérangeante : on aimerait bien qu’elle ne se remarque pas. On aimerait bien qu’elle reste invisible. Et elle l’est ces dernières décennies, parce que finalement, elle concernait un nombre de personnes bien limité, dans la prospère Genève. Ce n’est plus le cas aujourd’hui où le nombre de personnes qui mettent leur vie en danger en dormant dehors en plein hivera augmenté de manière importante ces dernières années.Genève est l’une des trois villes les plus riches du monde, dit-on. Et pourtant une personne sur dix vit sous le seuil de pauvreté en Suisse. Certaines sont tellement pauvres qu’elles ne peuvent plus subvenir aux besoins les plus élémentaires de l’être humain : se mettre à l’abri du froid, manger à sa faim, se laver, se vêtir suffisamment chaudement, se soigner en cas de besoin, disposer de ses affaires dans un lieu sûr et privé, sans parler d’avoir le droit à un revenu ou à un travail. Aucune dignité humaine n’est possible si ces besoins-là ne sont pas comblés.
Par humanisme, par solidarité et parce que cela mine la cohésion sociale, nous avons donc le devoir de nous indigner et d’agir (quelle que soit notre couleur politique !) face à cette situation !
Nous avons le devoir de promouvoir une vie digne pour tout le monde.
Cela peut arriver à chacun d’entre nous de tomber un jour dans la spirale de l’exclusion. Mes services travaillent tout au long de l’année à renforcer l’inclusion sociale (à travers les prestations individuelles, notamment), afin de prévenir l’exclusion, la relégation des personnes dans la misère (où elles perdent toute dignité). Nous nous devons répondre rapidement et de manière adéquate (et si possible personnalisée) aux besoins fondamentaux, lorsqu’ils ne sont plus couverts.
En Suisse : l’article 48 de la Constitution fédérale indique que : » Les personnes dans le besoin sont assistées par le canton dans lequel elles séjournent. Les frais d’assistance sont à la charge du canton de domicile « . A Genève, l’assistance sociale ne relève pas des Communes, donc de la Ville de Genève, mais comment faire quand aucun autre dispositif n’existe réellement ?
Le 9 novembre dernier, j’ai décidé d’ouvrir l’abri PC de Richemont pour l’hébergement de nuit des personnes vulnérables. Puis, le 15 novembre, j’ai dû ouvrir un second abri PC, celu des Vollandes, portant la capacité globale d’accueil à 200 places. Merci au Conseil municipal – et notamment aux Verts – d’avoir autorisé ces dépenses justifiées ! Elles sont indispensables pour éviter le pire.
Mais enterrer toute cette misère, dans dortoirs situés dans des abris antiatomiques, la nuit uniquement, et seulement pendant quelques mois, peut-il faire office de politique publique dans un pays ou dans une ville qui aurait les moyens de démontrer davantage de respect pour la dignité humaine ? Je ne le crois pas ! L’action humanitaire ne peut pas se faire passer pour de l’action sociale, et la charité ne peut se substituer à la solidarité. Nous nous devons d’inventer une autre politique.