
[MOTION] Pour une politique d’emprunts responsable et cohérente
Cette motion portée par le conseiller municipal Omar Azzabi demande notamment au Conseil administratif l’arrêt du recours à des emprunts à court, moyen et long terme auprès d’organismes publics ou privés faisant l’objet d’enquêtes internationales ou nationales autour d’accusations de corruption, de blanchiment d’argent ou de gestion déloyale.

Omar Azzabi
Considérant :
- Les articles 1, 2, et 3 de la de la délibération III du projet de budget 2023 (PR-1550) de la Ville de Genève et qui stipule que : « Pour assurer l’exécution du budget de la Ville de Genève, le Conseil administratif peut émettre en 2023 des emprunts publics ou d’autres emprunts à long terme jusqu’à concurrence de 76 900 000 francs pour couvrir l’insuffisance de financement présumée des investissements du patrimoine administratif et de 50 000 000 de francs pour couvrir les investissements nets présumés du patrimoine financier. » ;
- « Le Conseil administratif est également autorisé à faire usage des nouveaux instruments financiers dans un but de protection et de réduction des coûts des emprunts » ;
- « Le Conseil administratif peut également renouveler sans autre, en 2023, les divers emprunts qui viendront à échéance et procéder à tout remboursement anticipé ou conversion si les conditions d’émission lui sont favorables. » ;
- Le volet « place financière » de la Stratégie Climat Municipale de la Ville de Genève qui décrète que cette dernière « … rendra ses propres investissements et placements financiers compatibles avec les objectifs climat » notamment par l’émission d’emprunts « verts[1] » ;
- Le devoir d’exemplarité de la Ville de Genève en matière de finances durables et d’éthique financière dans les limites et les réalités actuelles du marché financier des prêts pour les collectivités publiques en Suisse ;
- Le rapport du Conseil fédéral sur la durabilité de la place financière et sa mesure n° 9 sur « prévention sur l’écoblanchiment[2]» : « les produits ou services financiers présentés comme durables doivent au moins être compatibles avec un objectif de durabilité déclaré ou contribuer réellement à l’atteinte de cet objectif. La prise en compte de critères de durabilité dans le seul but de réduire les risques au minimum ou d’optimiser la performance financière ne saurait être qualifiée de « durable » ».
- Les révélations faites par la Radio Télévision Suisse[3] (RTS) en date du 30 janvier 2023 affirmant que la Ville de Genève aurait eu recours à 11 emprunts à la Fédération internationale de football association (FIFA) d’une durée de trois à sept mois pour des montants entre 30 et 150 millions de francs. Ceci aurait été possible grâce à une plateforme financière en ligne, la startup Loanboox basée à Zurich. Son modèle d’affaires est de mettre en relation directe des emprunteurs (des collectivités publiques ou des entreprises) avec des prêteurs, comme des banques, des assurances, des fonds de pension mais aussi des entités privées, sans intermédiaires ;
- Les soupçons autour de la gouvernance politique et financière de la FIFA qui se sont traduits par différentes enquêtes internes et externes de justice dont la récente condamnation de Jérôme Valcke (ancien secrétaire général de la FIFA) par le Tribunal Pénal Fédéral (TPF) en juin 2022, qui a été reconnu coupable de corruption privée en lien avec l’attribution de droits médias, ainsi que de faux dans les titres[4]. Il est à noter que M. Nasser Al-Khelaïfi, président de beIN Media et du PSG qui était accusé dans la même affaire, a lui été acquitté du grief d’instigation à gestion déloyale après que la FIFA ait retiré sa plainte, ayant trouvé un arrangement avec ce dernier ;
- Le passif de la FIFA et les soupçons du Ministère public de la Confédération suisse (MPC) autour de possibles blanchiments d’argent et de gestion déloyale en 2015[5]. Le MPC avait à l’époque « saisi quelque « 9 terabytes de données dans l’enquête sur l’attribution (datant de décembre 2010) des coupes du monde de football 2018 et 2022. Des preuves ont été récoltées qui concernent 104 relations bancaires »
- Les 25 procédures pénales lancées par le Ministère Public de la Confédération touchant la FIFA depuis mai 2020 ainsi que la révocation de l’ancien Procureur général de la Confédération, M. Michael Lauber, en raison, entre autres, de ses rencontres secrètes avec l’actuel Président de la FIFA M. Gianni Infantino[6];
- La gouvernance et la politique irresponsable menée par la FIFA en ce qui concerne l’environnement, les droits humains, l’éthique, la transparence et durabilité financière notamment quand il s’est agi d’organiser la dernière coupe du monde 2022 au Qatar qualifiée de « mondial de la honte[7]». En cause, le nombre de morts sur les chantiers de construction des 7 nouveaux stades, le coût historique et catastrophique de son organisation (220 mia $ USD[8] contre 11,5 mia USD pour la coupe du monde 2018 en Russie, 15 mia USD pour celle au Brésil en 2014 et 3,6 mia USD pour celle en Afrique du Sud en 2010) ainsi que les cas avérés de corruption et de gestion déloyale de l’ensemble des coupes du monde à commencer par celle en Allemagne en 2006 dont le procès n’aura pas lieu pour cause de prescription[9] ;
Le Conseil municipal demande au Conseil administratif :
- L’arrêt du recours à des emprunts à court, moyen et long terme auprès d’organismes publics ou privés faisant l’objet d’enquêtes internationales ou nationales autour d’accusations de corruption, de blanchiment d’argent ou de gestion déloyale. Sans compter les solutions des plateformes de mise en relation qui propose des partenaires financiers faisant l’objet du même type d’accusation ou de politiques irresponsables en matière de droits sociaux, économiques, culturels et environnementaux ;
- La publication d’un rapport annuel détaillé auprès de la Commission des Finances du Conseil municipal concernant l’ensemble des emprunts et des partenaires financiers auprès de qui ces derniers ont été contractés ;
- La révision de la charte de la trésorerie pour l’administration municipale de la Ville de Genève adaptant les critères aux objectifs du volet « place financière » de la Stratégie Climat Municipale en encadrant les futurs emprunts ;
- D’entreprendre les démarches nécessaires auprès de l’Association des Communes Genevoises (ACG) et du Grand Conseil afin de créer un mécanisme financier tel qu’un « fonds de solidarité » permettant aux communes genevoises d’entreprendre des emprunts à coûts réduits, à court et moyen terme, pour limiter le recours à ce type de prêt auprès d’organismes privés ou de plateformes financières.
Références
[1] https://www.geneve.ch/fr/actualites/dossiers-information/changement-climatique-geneve/strategie-climat/place-financiere
[2] https://www.newsd.admin.ch/newsd/message/attachments/74561.pdf
[3] https://www.rts.ch/info/economie/13742071-geneve-lausanne-et-le-canton-de-neuchatel-ont-emprunte-des-millions-a-la-fifa.html
[4] https://www.rts.ch/info/suisse/13198024-dans-le-proces-des-droits-tv-de-la-fifa-jerome-valcke-condamne-et-nasser-alkhelaifi-acquitte.html
[5] https://www.letemps.ch/suisse/fifa-enqueteurs-suisses-soupconnent-un-blanchiment-dargent
[6] https://www.swissinfo.ch/fre/politique/enqu%C3%AAte-tentaculaire_corruption-%C3%A0-la-fifa–25-proc%C3%A9dures-p%C3%A9nales-et-un-procureur-sur-la-sellette/45788140
[7] https://www.mediapart.fr/journal/international/dossier/qatar-le-mondial-de-la-honte
[8] https://fr.statista.com/statistiques/1334292/depenses-coupe-du-monde-par-edition/
[9] https://www.letemps.ch/suisse/tribunal-penal-federal-proces-dirigeants-football-naura-lieu