Par Alfonso Gomez, conseiller administratif en Ville de Genève. Texte paru sur son blog de la Tribune de Genève, le 7 décembre 2020.

Le 24 novembre dernier, les Parlement écossait adoptait, à l’unanimité, un texte de loi qui devrait permettre à toutes les femmes du pays d’accéder à des protections périodiques gratuitement. Si les tampons et les serviettes hygiéniques resteront payants dans les supermarchés, ces produits seront en revanche disponibles gratuitement dans les bâtiments publics partout en Ecosse, y compris dans les écoles, les lycées et les universités. Une première mondiale et un véritable pas en faveur de la lutte contre la précarité menstruelle.

Une atteinte aux droits fondamentaux

Selon une étude de l’UNICEF et de l’OMS publiée en 2015, 500 millions de filles et de femmes dans le monde n’auraient pas ou peu accès à des protections périodiques. Un phénomène qui entraine non seulement une véritable gêne, mais également des problèmes de santé potentiellement graves  – le port prolongé d’un même tampon peut par exemple engendrer un syndrome du choc toxique aux conséquences dramatiques – et compromet plusieurs droits humains fondamentaux tels que le droit à la dignité, à la non-discrimination et à l’éducation. En Afrique, une jeune fille sur dix manque ainsi l’école chaque mois lorsqu’elle a ses règles en raison d’un manque de protections hygiéniques.

Une problématique universelle (en Suisse aussi !)

La précarité menstruelle n’est de loin pas un phénomène circonscrit aux pays les plus pauvres. Il touche aussi de nombreuses femmes en Suisse, notamment les femmes sans abri, les personnes précaires et les étudiantes, pour qui le coût des protections hygiéniques constitue un véritable frein. Comme l’a récemment démontré une enquête de la RTS, le coût des règles dans la vie d’une femme en Suisse est conséquent : en additionnant le prix des 15’000 protections hygiénique utilisées en moyenne par une femme au cours de sa vie à certains achats impondérables (médicament antidouleur, détachant pour le linge, …) ce coût s’élève à 4’500 francs. A noter également que dans notre pays, les protections périodiques sont toujours considérées comme des produits de luxe : elles sont ainsi taxées à 7.7%, alors même que les litières pour animaux ou les fleurs coupées bénéficient du taux réduit de TVA (2,5%), au même titre que les produits de première nécessité.[1] Une nouvelle démonstration de la persistance révoltante d’une taxe rose en Suisse.

Les initiatives se multiplient

Aucune femme ne devrait jamais avoir à choisir entre se nourrir et porter une protection menstruelle. Dans de nombreux pays, des initiatives naissent ainsi afin de lutter contre la précarité menstruelle. Outre l’Ecosse citée plus haut, l’Angleterre, la Colombie, Séoul ou encore la Colombie-Britannique mettent gratuitement à disposition des protections menstruelles dans les établissements scolaires et les universités. En Suisse, seule la commune de Tavannes, dans le canton de Berne, a décidé de mettre à disposition des protections périodiques à ses élèves. Les cantons du Valais et celui de Berne ont récemment refusé des postulats allant dans ce sens.

Et à Genève ?

Depuis peu, des distributeurs de produits d’hygiène féminine bio (tampons et serviettes périodiques) sont à disposition des utilisatrices aux Bains des Pâquis. Cette initiative, lancée par l’Association des usagères et usagers des Bains des Pâquis (AUBP) et soutenue par la Ville de Genève, est principalement destinée aux femmes qui vivent dans la précarité et n’ont pas les moyens de se procurer ces articles indispensables. En parallèle, une motion est à l’étude au Grand Conseil depuis août 2019 afin de rendre accessibles gratuitement les protections  périodiques dans toutes les toilettes des bâtiments de l’Etat et des établissements publics autonomes.

Aller plus loin pour combattre une inégalité de genre

S’il s’agit bien sûr de saluer ces initiatives, nous devons aujourd’hui aller plus loin. La menstruation est en effet un phénomène biologique naturel qui concerne la moitié de l’humanité. A ce titre, les protections hygiéniques constituent des produits de première nécessité, exactement comme le papier toilette, dont la gratuité dans les lieux publics, sur son lieu de travail ou au restaurant ne suscite pas le moindre questionnement.

J’évoquais les produits d’hygiène féminine bio : il s’agira également d’aller plus loin en matière de protections non jetables ; celles-ci sont fabriquées par des petites entreprises qui prêtent une attention particulière aux produits utilisés, à l’inverse des grands groupes peu recommandables qui produisent en masse le matériel utilisé jusqu’à aujourd’hui.

Je plaide donc pour un accès universel et gratuit aux protections périodiques à Genève, non seulement pour lutter contre la précarité menstruelle, mais également pour promouvoir l’égalité de genre. En pariant d’ailleurs que si c’était les hommes qui avaient leurs règles, ce débat n’aurait tout simplement pas cours.

[1] Une motion est néanmoins à l’étude au Conseil national pour faire passer le taux des protections périodiques à 2.5%.