Que la Ville de Genève ait laissé se délabrer notre Musée d’art et d’histoire (MAH) et se démanteler l’équipe de scientifiques chargés de la conservation et de la mise en valeur des collections est alarmant. Qu’elle ait conçu un projet d’agran­dissement qui ne respecte ni son architecture, ni les lois qui régissent les monu­ments et les zones protégées de la ville est indigne. L’imposition d’un partenariat public-privé inégal, avec des charges très lourdes pour la collectivité publique, est à elle seule un véritable scandale.

Cinq raisons au moins de dire NON à ce projet scandaleux

1. Son coût démesuré: 140 millions

Le projet de restauration et d’agrandissement du MAH est destructeur, trop cher, pour une politique culturelle «bling-bling». Appel à un architecte célèbre, mise en valeur des collections d’un milliardaire et restaurant prestigieux au dernier étage… c’est ce qu’a décidé la Ville, soutenue par les lobbyistes du MAH+ et par une Société des amis du musée éblouie par l’or et les paillettes. Le Conseil municipal a voté un projet quatorze fois plus que cher que prévu lors de l’appel d’offre initial de 1998 – du jamais vu: 140 millions, si on inclut les 7 millions déjà dépensés en études.

2. L’arnaque Nouvel

Le projet Nouvel n’est pas le résultat d’un concours d’architecture. C’est un projet vieux de dix-sept ans, démodé, rafistolé pour arracher l’accord de la Commission des monuments, de la nature et des sites. Pour assurer une visibilité accrocheuse au geste de l’architecte français Jean Nouvel – souvent cité dans la presse pour ses dépassements de budget (Philharmonie de Paris, gares CEVA de Genève, etc.) –, la cour de l’édifice est supprimée, son portique disparaît sous un plateau d’accueil, trois mezzanines viennent envahir et dénaturer son style beaux-arts d’origine: tout cela pour aboutir à un restaurant panoramique enchâssé dans les toitures surélevées. Ce projet défigure un monument plus que centenaire, classé sur le plan cantonal et d’importance nationale.

3. La privatisation Gandur

La Ville de Genève a signé une convention de partenariat public-privé (accessible sur internet) qui la lie pour 99 ans à la Fondation Gandur pour l’Art (FGA). En échange d’une participation de 40 millions aux travaux d’agrandissement et du dépôt au musée des collections de ce «partenaire», la collectivité devra assumer la totalité des coûts liés à la mise à disposition de locaux, à l’organisation d’expo­sitions pour la FGA, au gardiennage, à la conservation, aux assurances pour ses collections, la FGA demeurant libre de retirer celles-ci du musée à sa guise. Cette dépense publique représente bien plus que le montant mis initialement sur la table par un milliardaire qui réalise donc une excellente affaire et qui a par ailleurs élu domicile fiscal à Malte. En donnant à la Fondation Gandur un droit de décision sur les choix culturels du MAH, la Ville amorce une privatisation de l’institution. Cette mainmise d’un privé sur un bien public est inacceptable!

4. Un chèque en blanc irresponsable

Le Conseil administratif de la Ville a engagé la collectivité à supporter seule des charges très lourdes sans même les avoir chiffrées. Il a refusé de soumettre le contrat avec la FGA au Conseil municipal, comme le prévoit pourtant la loi sur l’administration des communes (art, 30 1, let. J). Ce déni de démocratie ouvre la voie à une aventure financière irresponsable!

5. Une atteinte à un patrimoine précieux

Inauguré en 1910, de style beaux-arts, le MAH est l’un des édifices les plus imposants de Genève. Il s’inspire du Petit Palais de Paris édifié pour l’Exposition universelle de 1900. Marc Camoletti a magistralement adapté ce modèle à une topographie difficile, entre les boulevards bas et le quartier haut des Tranchées, en l’organisant autour d’une cour intérieure à l’italienne entourée d’arcades.

Un musée rénové et au service de la population est nécessaire

La restauration dans les règles de l’art du MAH est une urgence, qui ne peut plus être prise en otage par une transformation en musée de prestige. Le grand absent dans cette affaire est un programme muséal conçu pour l’ensemble de la population et pour les visiteurs désireux de découvrir Genève, son art et son histoire: un musée pour tous, vivant, ouvert aux petits comme aux grands, nourri de recherches scientifiques, porté, à travers tous les moyens possibles, à l’explo­ration du patrimoine artistique de l’humanité, à la compréhension des valeurs des 13 sociétés, à la découverte du sens de notre histoire. Dans ce but, il est vital que la collectivité – et non pas une fondation privée – garde la haute main sur cette institution.

La restauration du MAH et l’excavation de sa cour ne sont pas contestées. Recou­verte d’une verrière, la cour pourra être animée toute l’année. L’ex-tension est possible dans l’ancienne école des beaux-arts voisine (4’000 m2), de même que dans la butte de l’Observatoire (12’000 m2) avec des gains très supérieurs aux quelque 1200 m2 mis dans la cour par le projet Nouvel.

Des solutions porteuses d’avenir existent, moins coûteuses, respectueuses du monument, sans des charges aussi lourdes pour les générations futures.

Pour ces raisons, le Comité référendaire « MAH: NON au saccage de notre patrimoine public» vous invite à voter NON au projet Nouvel