Omar Azzabi

Exposé des motifs

Si le droit à l’alimentation a été reconnu dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948 et dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966, que la Suisse a ratifié en 1992, il est aujourd’hui fortement mis à mal par un contexte géopolitique et social qui touche particulièrement les couches populaires en Suisse et à Genève. La situation globale se détériore dans une période postpandémique qui s’est ouverte sur l’invasion de l’Ukraine, ayant pour conséquence principale une pression sur les cultures céréalières qui pèse sur l’économie mondiale.

En Suisse, cela se traduit par une inflation extrême allant de 12,5% pour les yaourts en passant par 11 à 18% pour l’huile et jusqu’à 30% pour certains autres produits de base comme le sucre blanc. Une enquête de Comparis titrée « Aliments de base : jusqu’à 20 % de hausse sur un an » indique que « le beurre, le sucre ainsi que la margarine, les graisses et les huiles comestibles coûtent jusqu’à 20 % de plus que l’an dernier. Le lait, le fromage, les oeufs, le pain, la farine, les produits céréaliers et les fruits, les légumes, les pommes de terre et les champignons ont vu leurs prix bondir de 7 à 9 % ».

Bien qu’inférieur à la moyenne européenne, le taux de pauvreté en Suisse atteignait 8,7% en 2021, et concerne 745’000 personnes dont le revenu est inférieur au seuil de pauvreté. Une pauvreté mal interprétée et incomprise par la société suisse selon un rapport récent de l’ONG ATD Quart Monde : « Ce manque de reconnaissance
décourage certaines personnes vivant dans une situation de grande précarité de demander l’aide dont elles ont besoin. Cette recherche, menée de 2019 à 2023, montre en outre que la pauvreté tend à se perpétuer sur plusieurs générations dans les familles ». En 2022, l’équivalent de 3,5 millions de repas a été distribué (contre 2,8 millions en 2020) pour 14’000 bénéficiaires (contre 12’000 en 2021) par la fondation Partage (soutenu à hauteur de 423’200 francs au Budget 2023 de la Ville de Genève). La demande de cabas remplis de produits achetés (60% du total de la marchandise distribuée) depuis juin 2020 a augmenté : plus de 23’000 cabas distribués en février 2022 contre 18’300 au même mois de l’année précédente. Ces distributions se traduisent par ce que la sociologue Bénédite Bonzi appelle les « violences alimentaires » que nous avons du mal à reconnaitre et identifier : « Le système alimentaire, de la production jusqu’à la consommation, dysfonctionne complètement, il ne répond à aucune des promesses qui ont été faites. Les agriculteurs ne peuvent pas nourrir la France dignement en respectant ce qui serait le droit à l’alimentation.»

C’est à ce titre que la société civile et le Grand Conseil ont travaillé sur un nouveau droit constitutionnel à l’alimentation sur lequel la population genevoise se prononcera le 18 juin prochain lors d’un référendum. Il s’agit du rapport de la Commission des Droits de l’Homme (droits de la personne) du Grand Conseil de la République et canton de Genève à propos du projet de loi constitutionnel « Art. 38A Droit à l’alimentation », (PL-12811A) qui décrète que « Le droit à l’alimentation est garanti. Toute personne a droit à une alimentation adéquate, ainsi que d’être à l’abri de la faim » ;

De son côté, la société civile s’active depuis de très nombreuses années pour alerter les autorités et les élu-e-s sur cette situation et sa détérioration. En 2021 par exemple, un atelier organisé par la plateforme de développement urbain HES-SO en collaboration avec le Département de la cohésion sociale (DCS) de l’Etat de Genève
relevait des pistes de solutions :

  • A court terme : « Le canton de Genève devrait établir un diagnostic de la situation actuelle en étroite collaboration avec les communes genevoises et les acteurs de
    terrain. Ce diagnostic pourrait mener à la création d’un cahier des prestations existantes et leur mise en réseau, ainsi qu’à l’identification de moyens et leviers
    d’actions immédiats à mettre en oeuvre dans une perspective de transition. » ;
  • A moyen terme : « Le canton de Genève en partenariat avec les communes genevoises pourraient créer les conditions cadres pour rassembler et fédérer les acteurs de l’alimentation sur base régulière et constituer un réseau. Les journées de ce type pourraient être mises en oeuvre. » ;
  • A long terme : « Ces développements devraient avoir pour objectif la formalisation d’un cadre légal autour d’une politique de l’alimentation portée par canton de Genève en collaboration avec les communes et les acteurs de terrain. » ;

Plus récemment un Forum de 3 jours réunissant tous les acteur-rice-s travaillant sur les questions de droit à l’alimentation et de souveraineté alimentaire dans le canton de Genève a été organisé : le forum démopratique. Il a débouché sur un « Manifeste pour le droit à l’alimentation ». Dans cette déclaration d’envergure, le paragraphe « loi, politique publique et organe participatif » décrète que : « La réalisation du droit à l’alimentation nécessite l’adoption, au terme d’un processus participatif, d’une loi sur le droit à l’alimentation et d’une politique publique de l’alimentation qui soit transversale, avec un engagement financier de l’Etat. Cette loi et cette politique, et les pratiques qui en découlent, doivent être fondées sur les principes des droits humains : participation, redevabilité, non-discrimination, transparence, dignité humaine, pouvoir d’agir, état de droit et solidarité (acronyme anglais PANTHERS) » (cf. annexe 2).

En attendant la votation du 18 juin 2023, les communes doivent s’organiser et anticiper l’aggravation de la situation, à commencer par la Ville de Genève. Les archives de la Ville abordent déjà ce phénomène et montrent d’ailleurs que « jusqu’à la fin des années 70, le Service social de la Ville de Genève gérait des magasins où les personnes en état de précarité pouvaient acheter à prix réduit des fruits et des légumes. Puis, cela avait été remplacé par des prestations en argent ».

C’est l’ensemble de ce contexte, les pistes évoquées par la société civile et les spécialistes, sans compter les modèles de réponses existants, qui poussent à croire qu’une « caisse alimentaire commune/publique » en Ville de Genève pourrait amener un début de solution. Ces dernières sont au bénéfice des bénéficiaires ainsi que des producteurs-trices qui espèrent écouler leurs denrées à des prix abordables et justes.

Un exemple existant à Montpellier a été soutenu par la chaire UNESCO « alimentations du monde ». Ainsi, on peut apprendre que « la caisse est un budget commun issu de fonds publics et privés et de cotisations des citoyen-ne-s. Elle permet aux habitantes et habitants volontaires de dépenser chaque mois 100 euros (CHF pour le projet en Ville de Genève), via une monnaie solidaire (Monnaie Léman pour la Ville de Genève), dans des lieux de distribution alimentaire qui répondent à des critères élaborés collectivement : épiceries, groupements d’achats. Cette caisse a pour but de favoriser et soutenir l’accès des habitant-es à des aliments sains, produits dans des conditions respectueuses de l’environnement, et de contribuer au développement de circuits de production et de distribution « durables » en termes de santé, d’environnement, d’accessibilité, de financement et de conditions de travail (cf. Annexe 1). Le financement de ladite « Caisse » est assuré par les participant-es qui cotisent en fonction de leurs moyens. La caisse subventionne une partie de la somme pour les personnes ayant de faibles ressources. Elle est gérée de manière démocratique par un comité citoyen de l’alimentation qui décide de son fonctionnement. Les cotisations volontaires des membres sont complétées par des subventions publiques et privées à la caisse d’alimentation. A Montpellier toujours, le lancement de cette caisse a eu lieu en janvier 2023 réunissant près 400 participant-es au départ qui ont investi de 1 à 150 euros selon leurs moyens financiers et qui ont reçu un bon de 100 euros à faire valoir dans les commerces estampillés. Un exemple d’initiative publique et citoyenne répondant à une vraie détresse sociale par un autofinancement et un modèle éco-responsable et durable : de quoi faire réfléchir la Ville de Genève.

 

Texte de la motion

Considérant :

  • La votation du 18 juin 2023 sur l’ancrage constitutionnel du droit à l’alimentation
  • Le programme « Nourrir la Ville » mené par le Service Agenda 21 de la Ville de Genève et partie intégrante de la Stratégie Climat Municipale qui inclut un répertoire des « bonnes adresses pour consommer local » ;
  • La réponse du Conseil administratif du 5 avril 2023 à la question écrite QE-682
    du 23 janvier 2023 : « Avons-nous une maîtrise sur les coûts de l’alimentation durable locale afin d’en garantir la popularité et l’accessibilité »
  • L’année de Mairie du Conseiller administratif Alfonso Gomez placée sous le signe de l’urgence climatique, par le prisme de l’alimentation, qui donnera lieu à des banquets urbains végétariens dans les différents quartiers de la Ville, à commencer par le Petit-Saconnex le 3 juin 2023 ;
  • La motion « pour un système alimentaire territorial » (M-2700) du Grand Conseil de la République et canton de Genève qui demande « sur la base de l’état des lieux, à mettre en place une démarche participative avec l’ensemble des acteurs concernés afin d’établir un système alimentaire territoriale pour le canton de Genève. »
  • Le « Manifeste pour le droit à l’alimentation » issu du Forum Democratique Genève 2023 organisé par la MATER Fondazione du 21 au 23 avril 2023, en collaboration avec FIAN Suisse, Global Shapers Community de Genève, la Fondazione Pistoletto et Social Gastronomy Movement ;
  • La pétition « Pour le Droit à L’alimentation et La Souveraineté Alimentaire » basée sur ce manifeste ;
  • La disparition grandissante des épiceries de quartier dans le canton et plus particulièrement en Ville de Genève touchant particulièrement la vente de produits bio et locaux et les ventes en « vrac » de ce type de produit ;
  • L’initiative de la commune de Chêne-Bougeries qui offre une aide sociale en nature aux personnes en difficulté financière, à savoir 10 kilos de tubercules et 5 kilos de fruits par foyer commandés chez des producteurs de la région ;
  • L’augmentation des personnes ayant recours à l’aide alimentaire (14’000 en 2022 contre 12’000 en 2021) ;

Le Conseil municipal demande au Conseil administratif :

  • L’implication de la Ville de Genève lors des futures discussions autour de la loi d’application sur le « Droit à l’alimentation de principe » visant une meilleure coordination des initiatives associatives et une implication réelle de l’Etat en collaboration avec les communes genevoises et la société civile ;
  • De créer une Caisse alimentaire commune/publique sur le modèle de la Ville de Montpellier en collaboration avec les différents partenaires nécessaires à sa réussite tels que les participant-e-s au Forum Demopratique Genève 2023 et les bénéficiaires.

Annexe 1

Schéma du modèle de Montpellier

Annexe 2

Manifeste pour le droit à l’alimentation

21 avril 2023

Le droit à l’alimentation a été reconnu dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948 et dans le Pacte international relatif aux droits économiques,
sociaux et culturels de 1966, que la Suisse a ratifié en 1992. Malgré l’engagement pris par la Suisse de protéger le droit à l’alimentation en ratifiant ce Pacte international en 1992, ce droit n’a jamais été reconnu dans sa Constitution fédérale. En octobre 2022, le Parlement du Canton de Genève a décidé d’inclure le droit à l’alimentation parmi les droits fondamentaux consacrés dans la Constitution genevoise. Le peuple genevois sera appelé à voter sur cette inclusion le 18 juin 2023. 

L’article suivant sera introduit dans la Constitution genevoise si le peuple genevois vote en faveur de cette inclusion.

Art. 38A Droit à l’alimentation

Le droit à l’alimentation est garanti. Toute personne a droit à une alimentation adéquate, ainsi que d’être à l’abri de la faim.

Nous, plus de 60 actrices et acteurs engagé·es dans la production agricole, l’agriculture paysanne24, l’agro-écologie25, la transformation, l’artisanat, la distribution, la restauration, la consommation, l’aide sociale et alimentaire, l’économie sociale et solidaire, la protection des droits humains, de l’environnement et du climat, membres de la société civile et experts académiques, nous sommes réuni·es les 19, 20 et 21 avril 2023 au Refettorio à Genève, à l’occasion d’un forum organisé par la MATER Fondazione, en collaboration avec FIAN Suisse, Global Shapers Community de Genève, la Fondazione Pistoletto et Social Gastronomy Movement, et avons adopté ce manifeste.

Changement de paradigme : de l’aide alimentaire au droit à l’alimentation 

Pour garantir le droit à l’alimentation, il faut un changement de paradigme. Il ne faut pas seulement garantir le droit d’être à l’abri de la faim (à travers l’aide alimentaire d’urgence, en nature ou monétaire), mais respecter, protéger et réaliser pleinement le droit de toutes et tous d’avoir un accès régulier, permanent et libre à une alimentation quantitativement et qualitativement adéquate et suffisante qui assure une vie psychique et physique, individuelle et collective, satisfaisante et digne.

Pour réussir ce changement de paradigme, il faut créer un système permettant notamment d’éviter que l’alimentation soit une variable d’ajustement dans le budget des personnes ou des ménages. Il faut au contraire garantir que l’alimentation de qualité et durable soit accessible à toute la population. Il faut mettre fin à toutes les formes de discrimination, y compris multiples et croisées.

Loi, politique publique et organe participatif

La réalisation du droit à l’alimentation nécessite l’adoption, au terme d’un processus participatif, d’une loi sur le droit à l’alimentation et d’une politique publique de
l’alimentation qui soit transversale, avec un engagement financier de l’Etat. Cette loi et cette politique, et les pratiques qui en découlent, doivent être fondées sur les
principes des droits humains : participation, redevabilité, non-discrimination, transparence, dignité humaine, pouvoir d’agir, état de droit et solidarité (acronyme
anglais PANTHERS).

Pour faciliter ce processus, il faut créer un organe participatif et paritaire – un Conseil ou une Commission de l’alimentation – chargé d’appuyer l’élaboration et ensuite la mise en oeuvre de la loi sur le droit à l’alimentation et de la politique publique de l’alimentation. Il faut également créer un nouveau service au sein du Canton de
Genève, transversal, interdépartemental, chargé des questions liées à l’alimentation et aux systèmes alimentaires durables.

L’organe participatif et paritaire devrait être composé notamment de représentant·es du Canton de Genève, des communes genevoises et des actrices et acteurs
engagé·es dans la production agricole, l’agriculture paysanne, l’agro-écologie, la transformation, l’artisanat, la distribution, la restauration, la consommation, l’aide
sociale et alimentaire, l’économie sociale et solidaire, la protection des droits humains, de l’environnement, du climat et des animaux. Les syndicats de salarié·es, les associations luttant pour les droits des femmes, des enfants et des personnes migrantes, les représentant·es des systèmes de santé et d’éducation, et les expert·es académiques devraient également en faire partie. Des moyens doivent êre mis en oeuvre pour garantir la participation pleine et effective des personnes en situation de précarité alimentaire et des paysannes et paysans.

Les structures et les processus existants du Canton de Genève, y compris la Maison de l’alimentation du territoire (association ma-terre), ont un rôle à jouer dans la création et le fonctionnement de ce nouvel organe. L’expérience des organes chargés d’appuyer l’élaboration d’autres politiques publiques du Canton de Genève, par exemple en matière de culture et de logement, offrent des exemples pour créer cet organe participatif et paritaire. Il en est de même d’organes similaires dans d’autres pays.

Production locale, prix justes, agriculture paysanne et agro-écologie

L’implication des paysannes et paysans dans l’élaboration d’une loi sur le droit à l’alimentation et d’une politique publique de l’alimentation est essentielle, selon les principes de la souveraineté alimentaire, et doit être garantie.

Pour mettre en oeuvre le droit à l’alimentation, l’Etat doit encourager l’agriculture paysanne, diversifiée, sociale et agro-écologique qui produit une alimentation
nourricière de qualité, qui protège la biodiversité et qui garantit des conditions saines de travail. Pour cela, il faut favoriser son accès au marché et construire des
partenariats au-delà des logiques de concurrence en retissant les liens entre les paysannes et paysans et les consommatrices et consommateurs. Il faut faire de
l’alimentation à Genève un bien commun avec comme fondement la démocratie alimentaire.

L’Etat a le droit et le devoir de définir des critères d’achats ambitieux pour tous les achats alimentaires publics, qui garantissent la transition vers des systèmes
alimentaires durables et qui contribuent à la mise en oeuvre du droit à l’alimentation.

Des conditions cadres qui permettent une rémunération équitable des paysannes et paysans doivent être fixées et ainsi encourager la création d’emploi dans ce secteur. Un juste prix doit être garanti pour les produits issus de l’agriculture paysanne de saison, en priorisant la production locale, accessible à toutes et à tous.

L’Etat doit assurer l’accessibilité physique de l’alimentation, y compris l’accès à proximité à des produits frais de qualité issus de l’agriculture paysanne et des circuits courts ainsi qu’à l’infrastructure nécessaire pour la cuisine, la préparation et la transformation sur les lieux de vie. Il doit également garantir l’accessibilité économique de l’alimentation, grâce à des prix transparents, négociés, qui garantissent un revenu digne et un salaire décent pour les paysannes et paysans et les ouvrières et ouvriers agricoles, et les autres actrices et acteurs de la chaîne alimentaire. Il doit finalementassurer l’adéquation nutritionnelle, sociale et culturelle de l’alimentation, en garantissant le choix qui correspond aux besoins physiques et aux préférences alimentaires.

La formation agricole doit promouvoir l’apprentissage des pratiques agroécologiques.Le sol agricole doit être protégé et sa régénération encouragée. La transmission des terres doit être accompagnée et la transparence sur les transactions foncières exigée. Le droit à la terre et le droit aux semences pour les paysannes et les paysans doit être garanti.

L’autonomie des paysannes et paysans, y compris en matière de technologie, doit être favorisée.

26 La Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales, adoptées en 2018, reconnaît les droits des paysans et paysannes à la terre et aux semences dans ses articles 5, 17 et 19.

L’Etat doit contraindre tous les acteurs du milieu agroalimentaire à afficher de manière transparente leurs prix ainsi que leurs marges pour rendre visible aux consommatrices et consommateurs les coûts réels de l’alimentation, et mettre en lumière les injustices, les gagnant·es et les perdant·es de la chaîne alimentaire.

Chaînes alimentaires et canaux de distribution

Nos chaînes alimentaires sont globalisées, inégalitaires et non durables. Cela a pour effet de créer des asymétries entre d’un côté les productions locales et paysannes qui se trouvent fragmentées et marginalisées, et de l’autre côté un système agroalimentaire industriel qui concentre le pouvoir entre quelques acteurs et tire profit de ce rapport de force. Cette situation est aggravée par le fait que les canaux de distribution sont segmentés par public et classe sociale.

Il faut aller vers un découplage de la lutte anti-gaspillage de l’aide alimentaire. Les canaux de distribution de demain doivent être inclusifs, universels, participatifs et émancipateurs. Il faut démocratiser le contrôle des filières alimentaires.

Les canaux de distribution de l’aide alimentaire doivent accompagner les canaux solidaires de demain, en se transformant eux-mêmes, en traduisant et en réallouant leurs compétences, leurs savoir-faire et leurs ressources. Ces nouveaux canaux doivent avoir pour piliers la transparence, une gouvernance partagée et des rapports de force équilibrés. Ils doivent être au service d’une meilleure articulation des canaux existants et de conditions de travail justes et épanouissantes. Ils doivent également respecter les limites planétaires et le vivant.

Réduction du gaspillage alimentaire, récupération et revalorisation des surplus et des invendus alimentaires

La lutte contre le gaspillage alimentaire doit faire partie d’une politique publique, financée par l’Etat. L’éducation contre le gaspillage alimentaire doit être obligatoire à l’école. Elle doit être spécifique dans les professions de l’agroalimentaire et de la restauration. Il faut également offrir des solutions concrètes au grand public par des diverses actions de sensibilisation.

La destruction des invendus alimentaires doit être interdite dans les grandes surfaces. La vente multiple qui encourage la sur-consommation doit être interdite, tandis que les rabais sur un seul produit à la fois peuvent continuer à être autorisés.

La restauration commerciale doit continuer à mettre en place des mesures de réduction du gaspillage alimentaire.

Il faut interdire l’incinération des déchets organiques, et rendre le tri des lavures obligatoire en vue de méthanisation/compostage. Avoir des infrastructures de tri dans les immeubles d’habitations, les restaurants et les grandes surfaces doit être obligatoire, et faire l’objet de contrôle par les autorités compétentes.

Pour éviter que les denrées alimentaires deviennent des déchets, il faut favoriser la mise en place de fortes collaborations pour récupérer et distribuer les surplus, notamment au niveau des ménages, de l’agriculture, des grandes surfaces, des écoles et des restaurants, sans distinction de statut social.

Il faut réduire le gaspillage en favorisant la revalorisation des produits hors calibre ou  abîmés par des techniques de préparation et de conservation originales, comme la fermentation, le séchage, le compost / biogaz, et l’alimentation animale.

Restauration collective, éducation, nutrition et environnement alimentaire

La restauration collective publique (préscolaire, scolaire, supérieure, institutionnelle) doit fournir une alimentation adéquate et un accueil inconditionnel. Les cahiers des charges Fourchette verte Ama-terra et GRTA sont les cadres de référence pour la définition d’une restauration collective durable. Il faut prioriser la formation du personnel de la restauration collective à la cuisine durable. 

La restauration scolaire doit garantir un accès non-discriminatoire et digne à l’alimentation. L’objectif est de parvenir à garantir un repas quotidien gratuit pour tous les enfants préscolarisés et scolarisés sur le Canton de Genève, en priorisant l’agriculture paysanne locale et de saison. Plusieurs niveaux scolaires fournissent déjà une alimentation de qualité nutritionnelle, mais ce n’est pas le cas du secondaire I (cycle d’orientation) qui n’offre dans la majorité des cas pas de restauration scolaire.

Conformément au Plan d’étude romand, il faut enseigner l’éducation nutritionnelle à tous les niveaux de l’école obligatoire. Aujourd’hui, le cadre existant est satisfaisant mais il est appliqué de manière hétérogène dans les écoles de l’enseignement obligatoire. Il faut prioriser la formation des enseignant·es de l’école obligatoire à l’alimentation durable.

Plus largement, il faut garantir un environnement alimentaire qui favorise les choix alimentaires adéquats. Les informations nutritionnelles et de durabilité sur les aliments doivent être claires. Elles ne doivent pas être brouillées par le marketing, en particuliersur les produits ultra-transformés.

Il faut rendre plus accessible et mettre en évidence les aliments durables et de haute valeur nutritionnelle, à travers des changements au niveau de l’architecture du choix dans les commerces alimentaires et les cafétérias, en mettant par exemple moins d’aliments ultra-transformés près des caisses.

Il faut utiliser toutes les stratégies de santé publique existantes et les mesures économiques disponibles, y compris les subventions, les dons et les taxes, pour favoriser la consommation d’aliments adéquats.

Il faut continuer à se mobiliser pour défendre et promouvoir le droit à l’alimentation et la souveraineté alimentaire !