[MOTION] Mieux équilibrer les différents moyens de transport au boulevard du Pont-d’Arve, pour ses usagers et usagères et ses habitant-e-s
Cette motion est portée par le conseiller municipal vert Vincent Milliard
Exposé des motifs
Cet été, le boulevard du Pont-d’Arve connaît d’importants travaux de réfection des canalisations. Les travaux ont nécessité une fermeture complète du boulevard à la circulation routière et cycliste qui doit durer jusqu’à mi-octobre 2023. Le boulevard sera, par la suite, rouvert sur une seule voie de circulation routière et cycliste, jusqu’à la fin du mois d’octobre 2023 (sous réserve de conditions météorologiques favorables)[1].
Or, ce boulevard est un des plus pollués de Genève, tant en termes de pollution de l’air que de pollution sonore. Pour ce qui concerne la pollution sonore, les normes fédérales sont régulièrement dépassées, de jour comme de nuit. Régulièrement, les habitants et habitantes de ce boulevard se plaignent de toutes les nuisances générées par le trafic routier, comme le fait l’association « Pont d’Air » sur ses réseaux [2]. Cette situation a été relayée par des associations[3], et notamment actif-TrafiC, qui fait des propositions pour « rééquilibrer l’espace public en faveur des TPG, des véhicules d’urgence mais aussi des piétons et des cyclistes »[4].
Pour rappel, en janvier 2009, la Ville de Genève avait présenté un programme d’assainissement du boulevard du Pont-d’Arve contre lequel le Canton s’était opposé arguant que cela nuirait à la fluidité de la circulation. La Ville de Genève avait alors porté l’affaire devant le Tribunal qui a tranché en sa faveur[5]. La Cour de justice genevoise s’était appuyé sur une jurisprudence alors récente du Tribunal fédéral (TF) selon laquelle la lutte contre le bruit peut justifier une limitation de vitesse, même « sur des routes de grand transit ». Elle a sommé l’État de tout tenter avant de prononcer des exceptions comme cela était son intention, et a imposé un essai d’une année.
La Ville et le Canton ont finalement décidé de mettre cet axe à 30 km/h, dès le 2 décembre 2019. Après une année, la Ville et l’État ont décidé de pérenniser le 30 km/h sur le Boulevard du Pont-d’Arve. Il était néanmoins précisé que « l’essai n’a guère d’effet sonore de jour sur le boulevard du Pont-d’Arve – où les encombrements limitent de toute façon la vitesse – mais il en a de nuit: une réduction de 1,7 décibel qui peut sembler anecdotique, mais qui l’est moins quand on sait qu’un écart de 3 décibels marque un doublement du volume sonore » [6].
Rien n’est communiqué sur le respect de la norme de l’Ordonnance sur la protection contre le bruit (OPB). Or, le cadastre du bruit routier[7], selon les dernières mesures enregistrées le 27 juillet 2022, indique que le bruit mesuré au boulevard du Pont-d’Arve dépasse toujours allégrement les valeurs limite de 55 dB le jour et de 45 dB la nuit. En moyenne, certains tronçons dépassent même les 70 dB (diurne) et les 65 db (nocturne) ! Il est donc légitime de se demander s’il n’y a pas lieu d’envisager d’autres mesures pour se conformer à la décision du tribunal administratif qui sommait « l’État de tout tenter avant de prononcer des exceptions à l’OPB ».
Au-delà de la pollution supérieure aux normes fédérales en vigueur, cet axe souffre d’une absence d’aménagement pour les véhicules d’urgence qui se retrouvent souvent bloqués dans les bouchons avant de pouvoir rejoindre l’hôpital. Concernant les mobilités douces, les piéton-ne-s peinent à se croiser sur les trottoirs et les cyclistes empruntent une voie dangereuse et discontinue, bordée par la circulation et les places de stationnement. Enfin, si le bus 1 des TPG qui emprunte ce boulevard ne connaît que de « légers retards », c’est que la vitesse commerciale a été abaissée sur cette ligne, et donc qu’elle pourrait accélérer la cadence si une voie spécifique pouvait être aménagée [8].
Face à ces constats, la motion invite la Ville à aménager le Boulevard du Pont d’Arve afin de limiter le trafic routier et les nuisances y relatives et à rééquilibrer les espaces dévolus aux différents usages, conformément à sa stratégie climatique[9].
Considérant:
- que les actuels travaux sur le boulevard du Pont d’Arve sont une opportunité pour la mise aux normes fédérales de pollution de l’air et de protection contre le bruit de cet axe ;
- que l’Ordonnance sur la protection de l’air (OPair) du 16 décembre 1985 fixe, dans son Annexe 7, une limite d’immission du dioxyde d’azote (NO2) à 30 µg/m3 en moyenne annuelle ;
- que cette limite est régulièrement dépassée en milieu urbain, même si des améliorations ont pu être constatées ces dernières années[10];
- que l’Ordonnance sur la protection contre le bruit (OPB) du du 15 décembre 1986, fixe dans son annexe 3 des valeurs limite de 55 dB le jour et de 45 dB la nuit ;
- que, selon le cadastre du bruit routier , certains secteurs du boulevard du Pont-d’Arve dépassent, en moyenne, les 70 dB (diurne) et les 65 db (nocturne) sans tenir compte des pics sonores ;
- que le Conseil administratif s’est engagé, au travers de son programme de législature et dans sa stratégie climatique, à accompagner et encourager la mobilité douce et l’usage des transports en commun par le développement d’infrastructures sécurisées ;
- que la loi pour une mobilité cohérente et équilibrée (LMCE – H 1 21), dans son article 7 al. 2 stipule : « en zones I et II, la priorité en matière de gestion du trafic et d’aménagement des réseaux est donnée à la mobilité douce et aux transports publics » ;
- qu’il n’existe pas de couloir continu et réservé pour les TPG et les véhicules d’urgence sur cet axe ;
- que les trottoirs y sont étroits ;
- que la piste cyclable y est dangereuse et discontinue ;
le Conseil municipal invite le Conseil administratif:
- A équilibrer l’espace dévolu aux différentes mobilités au Boulevard du Pont d’Arve en
- supprimant le stationnement dans cette rue ;
- créant une voie pour les TPG et les véhicules d’urgence ;
- créant une piste cyclable continue et sécurisée dans cette rue et celles adjacentes ;
- élargissant les trottoirs ;
- maintenant une voie pour les transports individuels motorisés ;
- A engager des discussions avec le Canton en ce sens ;
- A exiger du Canton qu’il réalise au minimum la mise aux normes fédérales en termes de pollution de l’air et sonore.
[1] Communiqué de presse du Département de la santé et des mobilités du 13 juillet 2023, consultable en ligne : https://www.ge.ch/document/avis-travaux-demarrage-nouveaux-chantiers-impactant-deplacements-13-juillet-2023
[2] Compte Instagram de l’association Pont d’AIR
[3] Rue de l’Avenir, « Genève : le Tribunal impose un essai à 30 km/h pour lutter contre le bruit routier », publié le 20.11.20
[4] Actif-TrafiC, « Genève: Profitons du chantier pour enfin transformer le Boulevard du Pont-d’Arve! », publié le 17.07.23
[5] Jugement du tribunal administratif de première instance du 22 décembre 2016, JTAPI/1369/2016 ; jugement confirmé, en deuxième instance par la Chambre administrative, ATA/1469/2017
[6] Tribune de Genève, « Le test de vitesse limitée à 30 km/h est jugé concluant », publié le 13.11 2020
[7] SITG, Bruit & air & RNI, Cadastres du bruit, Bruit routier façades JOUR, Bruit routier façades NUIT
[8] Tribune de Genève, « Faut-il limiter les voitures sur le boulevard du Pont-d’Arve? », publié le 18.07.2023
[9] Stratégie climat de la Ville de Genève
[10] Département du territoire, « Qualité de l’air en 2022 à Genève: tendance favorable au-delà des effets dus à la pandémie », 4 juillet 2023