Des pollutions différentes en Ville et à la campagne

La qualité de l’air s’améliore globalement à l’échelle cantonale, mais les habitant-e-s du centre-ville restent soumis à des immissions très proches ou supérieures aux valeurs limites fixées par la Confédération pour le dioxyde d’azote (NO2) et les poussières fines (PM 10 et PM2.5)[1]. Bien que de nombreux facteurs influencent la quantité de différents polluants dans notre air, le trafic routier est un des grands responsables des émissions de ces dangereux gaz et particules[2]. Problème ?  Il n’existe qu’une seule station de mesure en Ville et elle n’est pas située au plus proche des artères les plus empruntées par les véhicules et les plus habitées.

L’emplacement des stations de mesure est pourtant un enjeu crucial qui a fait l’objet d’un arrêt de la Cour de justice européenne en 2019 précisant que les prélèvements doivent fournir « des informations sur la pollution des endroits les plus pollués »[3]. Par ailleurs, pour le physicien Jean-Pierre Wolf, expert en biophotonique et professeur à l’Université de Genève entendu sur la résolution verte en commission du Conseil municipal, il est clair qu’une seule station en milieu urbain ne peut donner de vision représentative des immissions subies par les habitant-e-s[4].

Multiplier les données et les rendre plus fiables est d’autant plus important à Genève que l’activation du dispositif d’urgence en cas de pic de pollution dépend exclusivement des valeurs relevées par les quatre stations de mesures fixes. Le Canton doit ainsi identifier les risques là où ils sont les plus élevés et agir en conséquence pour protéger sa population. C’est dans ce même but de protection que les Vert-e-s Ville de Genève demandent d’accroître l’information à disposition de la population en affichant les données relevées. Seule la sensibilisation permettra de mieux se défendre face aux atteintes à notre santé.

Un enjeu de santé publique 

Le dépassement, même minime, des seuils fixés par la législation fédérale n’est pas anodin. L’Office fédéral de l’environnement (OFEV) rappelle « qu’à partir du moment où [les valeurs limites d’immission] sont dépassées, on peut considérer qu’il y a risque de dommages pour la santé humaine ou pour l’environnement »[5]. Les conséquences sont lourdes, en particulier pour les personnes vivant à proximité d’axes routiers très fréquentés : augmentations des maladies respiratoires, des cancers du poumon et une diminution de l’espérance de vie. La pollution de l’air par les poussières fines (PM10) causaient, en 2018, 2’300 décès prématurés par an en Suisse [6].

Relevons enfin que l’Organisation Mondiale de la Santé a abaissé en 2021 les seuils qu’elle préconisait depuis 2005[7] et qui servent de base à l’Ordonnance fédérale sur la protection de l’air. Tout porte donc à croire que les valeurs limites fixées aujourd’hui ne sont plus suffisantes pour protéger la population. Ce d’autant plus que les valeurs d’alarmes qui servent au déclenchement effectif de mesures à Genève sont 1,5 fois supérieures aux seuils fédéraux, suite à des recours de l’ASTAG et du TCS[8]. Dans ce contexte peu favorable, nous devons au moins à la population d’effectuer les mesures les plus représentatives possibles et une information accrue.

Pour les Vert-e-s, il s’agit de poursuivre le travail mené depuis toujours en faveur de la santé humaine et des écosystèmes et de confronter encore et toujours les lobbys automobiles et les partis de droite qui les soutiennent coûte que coûte. En 2008 déjà, Robert Cramer proposait de créer des zones à basses émissions au centre-ville qui ont été refusées par la Confédération. L’initiative « De l’air, moins de bruit. Préservons notre santé face à la pollution » de 2019 a permis de poser les jalons du dispositif stick’AIR. Cette mesure pionnière en Suisse de circulation différenciée, mise en place par le conseiller d’Etat Antonio Hodgers, doit désormais être valorisée et développée, notamment en Ville de Genève.

[1] Selon le Rapport sur la qualité de l’air à Genève en 2022 du Service de l’air, du bruit et des rayonnements non ionisants, la moyenne annuelle des immissions à la station Necker sont de 29,8 μg/m3 pour le dioxyde d’azote (valeur limite : 30 μg/m3), 17,4 μg/m3 pour les poussières fines PM10 (valeur limite : 20 μg/m3) et 11,1 μg/m3 pour les poussières fines PM2.5 (valeur limite : 10 μg/m3). Consultable en ligne : https://www.ge.ch/document/rapports-qualite-air-geneve-ropag

[2] En 2021, selon une étude l’Office Fédéral de l’Environnement (OFEV), le trafic (y compris aérien) était responsable de 56% des émissions d’oxydes d’azote et de 31% des émissions de poussières fines (PM10). Consultable en ligne : https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/mobilite-transports/accidents-impact-environnement/impact-environnement.html

[3] Arrêt de la cour de justice européenne du 26 juin 2019, affaire C‑723/17, point 43. Consultable en ligne :  https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf;jsessionid=E00702F38E09A42C244994B981D5D863?text=&docid=215512&pageIndex=0&doclang=fr&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=8705259

[4] Rapports de la commission de la sécurité, du domaine public, de l’information et de la communication chargée d’examiner la résolution R-259 du 3 mars 2020 : « Pas de qualité de l’air sans données adéquates et pas de mesures dans l’illégalité! », p. 23. Consultable en ligne : https://conseil-municipal.geneve.ch/?id=6050&tx_displaycontroller[tx_vgecm_enfants]=5024

[5] OFEV, Fiche d’information « Les valeurs limites d’immission de l’ordonnance sur la protection de l’air », p. 3. Consultable en ligne : https://www.bafu.admin.ch/bafu/fr/home/themes/air/info-specialistes/qualite-de-l-air-en-suisse/valeurs-limites-pour-la-pollution-de-lair/valeurs-limites-dimmission-fixees-dans-lordonnance-sur-la-protec.html

[6] OFEV, Effets de la pollution atmosphérique sur la santé. Consultable en ligne : https://www.bafu.admin.ch/bafu/fr/home/themes/air/info-specialistes/effets-de-la-pollution-atmospherique/effets-de-la-pollution-atmospherique-sur-la-sante.html

[7] Santé Publique de France, « Pollution de l’air : l’OMS révise ses seuils de référence pour les principaux polluants atmosphériques », 22 septembre 2021. Consultable en ligne : https://www.santepubliquefrance.fr/les-actualites/2021/pollution-de-l-air-l-oms-revise-ses-seuils-de-reference-pour-les-principaux-polluants-atmospheriques

[8] Point presse du Conseil d’Etat du 11 novembre 2020, La mesure Stick’AIR désormais pleinement effective. Consultable en ligne : https://www.ge.ch/actualite/depuis-automne-2020-mesure-stick-air-pleinement-effective-11-11-2020

 

Revue de presse