Discous prononcé par Omar Azzabi, conseiller municipal en Ville de Genève, lors de la séance plénière des 3 et 4 décembre 2019 à propos de l’objet PR-1351 A/B : Crédit de 100 000 francs destiné à la Fondation Geneva Science and Diplomacy AnticipatorCrédit de 100 000 francs destiné à la Fondation Geneva Science and Diplomacy Anticipator.

Merci Madame la Présidente,

Le débat qui amène les Vert.e.s ce soir à mettre un bémol à cet élan, en théorie bienvenue, à propos de la diplomatie multilatérale et le besoin de rassembler diplomates et scientifiques du monde entier, se trouve tout justement dans la manière avec laquelle la Confédération, en premier  lieu, j’ai nommé Monsieur Ignazio Cassis, veut amener et cadrer ces discussions mondiales.

En effet, la création de cette fondation de droit privé par la Confédération et l’Etat genevois ayant pour but, et je cite : « de promouvoir la politique d’Etat hôte de la Suisse, en créant un instrument permettant simultanément d’identifier les thèmes majeurs de la gouvernance mondiale de demain et de développer les modalités de soutien » pose des questions tant les acteur.trice.s de sa création peinent à nous amener les garanties nécessaires.

Le premier doute vient de la hauteur de la contribution financière proposée par le Conseil administratif : alors que la Confédération amène un capital de trois millions sur  trois ans alors le Canton, lui de son côté, avec un budget huit fois plus élevé que celui de la Ville, se propose d’investir la même somme que la Ville. A quel titre, la Ville, qui peine à subventionner les associations de défense de victimes de violence conjugales par exemple, investirait autant que le Canton ?

Le second doute, comme il a été soulevé à maintes reprises vient du risque pris par la Confédération et le canton de nommer deux personnalités ayant déjà fait l’objet de dénonciation par des ONG suisses de renommée internationale comme Public Eye (anciennement Déclaration de Berne), Swiss Aid ou encore l’alliance pour une agriculture sans génie génétique. En effet,  M. Peter Brabeck-Letmathe  a été mise en cause, lorsqu’à la tête de Nestlé, pour le non-respect du Code international de commercialisation des substituts du lait maternel par l’Organisation mondiale de la santé[1]. Tandis, que M. Patrick Aebischer alors qu’il dirigeait l’EPFL, a fait preuve de conflit d’intérêt en acceptant de financer deux chaires de recherche par Nestlé, ce qu’il l’a obligé à quitter le Conseil d’administration de Nestlé Health Science en 2015. Mieux encore, la même année, il a rejoint le Conseil d’administration du groupe Nestlé, avant de siéger à nouveau aujourd’hui au Conseil d’administration de Nestlé Health Science[2].  

Le troisième doute vient du but avoué de cette Fondation. Que pouvons-nous dire d’une organisation qui ambitionne de faire de Genève le forum mondial pour les discussions autour de l’éthique et des intérêts moraux mais qui ne mentionne pas une seule fois ces termes dans ses propres statuts[3] ?

Mieux encore, dans le préambule des statuts de la Fondation, il est fait mention, d’une manière bien esthétique, à l’article 27 de la Déclaration Universelle des Droits de l’homme à propos de « la participation au progrès scientifique et aux bienfaits qui en résultent »[4]. Cette citation prendrait tout sens si elle était complétée par une référence à l’alinéa 2 du même article qui décrète que « la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique », mais cette dernière a été sciemment oublié par les fondateurs de ladite Fondation. Si l’objectif avéré d’une telle Fondation est noble et réellement scientifique, il devrait de facto, stipuler dans ses statuts (dans l’article 3 plus précisément) une mention à l’agenda 2030 des Nations Unies ainsi qu’à l’Accord de Paris sur le Climat. Ceci lèverait les doutes quant aux accusations de corporatisme dont fait l’objet la GESDA et qui transparaissent dans la formulation actuelle des statuts ! Que nous sommes encore loin d’une organisation qui prétend vouloir défendre les discussions autour de l’éthique des nouvelles technologies.

Alors que nombre d’ONG et de personnalités politiques dénoncent le mélange des genres de même que le manque d’indépendance et d’éthique de notre actuel Conseiller fédéral aux Affaires Etrangères, il est primordial que la Confédération se montre exemplaire en la matière. L’exemplarité se traduit par des garanties et une transparence totale liées à ce type d’initiative et à la création de cette Fondation. Hormis la somme considérable de 300’000 CHF qui est en elle-même discutable, la nomination de deux hommes ayant déjà fait preuve de conflits d’intérêt à la tête de cette fondation dont les statuts posent un sérieux doute sur son but avoué ne peuvent que pousser la population et les Vert.e.s à exiger du Conseil administratif des garanties statutaires et financières avant l’utilisation d’argent public et l’octroi d’aide à cette fondation. Sans ces garanties, sans éthique et sans transparence en la matière, notre groupe appelle cette Assemblée à refuser cette dotation. Nous irons même plus loin, sans ces garanties, les citoyen.ne.s de la Ville sont en droit de questionner le Canton et la Confédération quant aux soutiens financiers déjà accordés!

 

[1] https://www.gifa.org/le-systeme-babynes-nest-pas-conforme-aux-directives-de-loms/

[2] https://www.publiceye.ch/fr/regard/nestle-rend-le-monde-meilleur-avec-largent-des-contribuables-suisses

[3] https://www.dfae.admin.ch/dam/eda/de/documents/aktuell/news/statuten-gesda_FR.pdf

[4] Art. 27, alinéa 1, https://www.un.org/fr/universal-declaration-human-rights/index.html