par Laurence Corpataux, cheffe du groupe vert au Conseil municipal, Omar Azzabi, co-président des Vert·e·s Ville de Genève et Matthias Erhardt, vice-président.

Opinion parue dans Le Temps du mercredi 3 mars

La crise sanitaire, sociale et économique que nous vivons depuis l’apparition du Covid-19 a fait passer au second plan, du moins provisoirement, les dérèglements climatiques. La crise environnementale ne s’est pourtant pas estompée quand le coronavirus a commencé à faire des ravages; au contraire, le covid a révélé combien il est nécessaire de prendre des mesures fortes en la matière.

Dans son édition du 29 janvier dernier, Le Temps titrait «2021, le retour de la question climatique» en évoquant la stratégie du Conseil fédéral pour répondre aux objectifs de l’Accord de Paris, et aux appels à davantage d’investissements «verts» relayés lors de l’édition 2021 du World Economic Forum. A l’heure des plans climat cantonaux et de la loi fédérale sur le CO2, le politique aurait-il pris conscience, enfin, de l’impérieuse nécessité d’agir sans tarder? Ou ne s’agit-il que de gesticulations théâtrales destinées à rassurer le bon peuple? La population, parlons-en: est-elle prête elle aussi à changer certaines habitudes pour offrir un futur viable, voire simplement un avenir enviable, aux générations futures?

Un parking pour qui?

Prenons un cas particulier et concret. Le 7 mars prochain, les électeur.trice.s de la ville de Genève sont appelé.e.s à se prononcer sur la construction d’un parking souterrain démesuré de six étages dans l’hypercentre, en échange de la piétonnisation de quelques rues en surface. Cette proposition d’ajouter un parking aux nombreux déjà existants dans le périmètre est pour le moins contestable. Alors que près de la moitié des citadins ne possèdent pas de voiture et que 40% des gens souffrent du bruit à Genève (chiffres de la Tribune de Genève du 10 février 2021), vouloir construire un aspirateur à voitures va à contre-courant du processus de développement de mobilités douces et de celui du réseau de transports en commun. En lançant l’initiative «Pour un centre-ville vivant, piéton et végétalisé», les Vert.e.s, uni.e.s à la gauche et aux associations en faveur de l’environnement et d’habitant.e.s recherchent précisément ce même but, mais sans parking

 

Il nécessiterait l’abattage de 69 arbres, dont 9 centenaires, des travaux d’un minimum de cinquante mois et la dépense de plus de 34 millions de francs d’argent public
Omar Azzabi, Co-président des Vert·e·s Ville de Genève

Le projet Clé de Rive implique la construction d’un parking de près de 500 places de voitures et de 388 places pour deux-roues motorisés. Il nécessiterait l’abattage de 69 arbres, dont neuf centenaires, des travaux d’un minimum de cinquante mois et la dépense de plus de 34 millions de francs d’argent public. Faut-il toutes ces nuisances pour voir s’ériger un parking de plus au cœur de la ville, alors même que sept parkings souterrains, sous-occupés, se trouvent aux alentours, que leur rentabilité stagne et que leur fréquentation est en baisse continue depuis des années?

 

Schéma passéiste

Sous le couvert d’une subite conversion à l’écologie, les promoteurs ne font que reproduire les schémas passéistes d’une ville construite par et pour le trafic automobile, fût-il électrique (or, on connaît le bilan contestable des voitures électriques, notamment leur coût de production élevé en énergie grise). Comment justifier en 2021 la création d’un gigantesque aspirateur à voitures, au-dessus duquel aucun arbre ne pourra se développer dans de bonnes conditions? Il est grand temps que Genève abandonne son surnom peu flatteur d’«Autostadt»! Nous, les Vert.e.s, voulons libérer de la place sur la voirie à la fois pour les commerçant.e.s et pour faciliter l’accès aux personnes qui en ont vraiment besoin, dont celles à mobilité réduite. Cela passe par la mise en application de l’initiative cantonale votée il y a dix ans, favorisant la mobilité douce (la loi pour une mobilité cohérente et équilibrée, LMCE). Plébiscitée par une majorité de la population genevoise, sa popularité reste d’actualité, comme l’ont démontré les dernières votations sur le sujet (près de 58% en faveur de la suppression de 4000 places de stationnement dans le canton le 27 septembre dernier).

Le temps n’est plus aux concessions dont le but est de préserver les intérêts mercantiles de quelques promoteurs privés. Le moment est venu d’offrir un nouveau visage à notre ville, en la débarrassant du trafic automobile nuisible à la santé de ses habitant.e.s. Pour que l’urgence climatique ne soit pas qu’un vain mot, pour que la transition écologique tant vantée soit effectivement appliquée, il est indispensable de dire NON à un projet qui va à l’encontre de tous les progrès en matière de mobilité et d’environnement réalisés ces dernières années à Genève.